L’origine : la période néolithique

Dans son ouvrage intitulé La Touraine insolite, tome 1 (Editions C.L.D. 1989), Jean-Mary Couderc, éminent historien tourangeau écrit qu’il existait « dans les landes de la forêt de Cravant, dissimulés par la végétation, de nombreux alignements simples ou doubles de blocs de pierre dressés, comparables à ceux du camp des Romains, mesurant plusieurs centaines de mètres de long et qu’on ne voyait bien qu’au moment des grands incendies. L’enrésinement d’une partie des landes, à partir de 1979, les a souvent voués à la destruction par les bulldozers. En détruisant la végétation, ils ont arraché les blocs pour en faire des tas près desquels il a été plusieurs fois trouvé du matériel néolithique ou du début de la Protohistoire (vers 2000-1800 av. J.-C.), en particulier des pointes de flèche à pédoncule et ailerons. »

Puis il continue en relatant que « de tels blocs dressés se retrouvent en plusieurs endroits des landes et jusqu’au-dessus du château de Sonnay où ils furent largement détruits avant-guerre pour empierrer les chemins. Dans la forêt de Sonnay subsistent d’autres structures parmi lesquelles des fossés et des murets qui ont fait dire à quelques auteurs anciens qu’on avait là un camp de l’Age du Fer (le « camp de Sonnay ») analogue à celui de Cinais ou du camp de Brenne.

Un peu au nord-ouest du très vieux chêne des Hures, un gros amas demeure bien visible. Dans les 30 m de rayon au sud, il a été recueilli environ 300 pièces de silex taillé, des affûtoirs portatifs et un fragment de céramique; il s’agissait vraisemblablement d’un habitat ou d’un atelier de taille néolithique ou du début de la période protohistorique. 

Le comte de Saint-Exupéry (Revue archéol., 1900) avait observé, à la faveur d’un grand incendie dans les landes de Cravant, des amas de forme circulaire composés de cinq, dix et même trente rochers, dont « une véritable fortification semi-circulaire ayant une vingtaine de mètres de diamètre, formée par trois rangées de gros rochers mêlés, noyés dans la terre et aboutissant à un empierrement considérable en ligne droite » avec, parfois, quelques tessons romains. 

Fernand de Saint-Exupéry, grand-père de l’aviateur, séjourna en effet à Sonnay, avec ses enfants, pendant une vingtaine d’années. Féru d’archéologie, il s’adonna à cette passion, arpentant les landes et la forêt en tous sens, en quête d’indices qu’il publia dans les colonnes des Bulletins de la Société Archéologique de Touraine.
Ces publications font encore référence aujourd’hui.

Cette passion fut reprise dans les années 1930 par le chanoine Audard, curé de Cravant, sur la base des travaux qu’il avait initiés.


Ainsi lorsque le chanoine Audard présente à la Société le résultat  de ses recherches sur les remparts préhistoriques du plateau des Landes, il ne cesse de déplorer « la carte en couleurs dressée naguère par Monsieur de Saint-Exupéry et qui n’a pu être retrouvée« . Il convient de dire que ces relevés étaient faits sur divers papiers de récupération dont l’enveloppe ci-dessous est un bel exemple, et qu’il fut bien souvent difficile de reconstituer ce puzzle.


Voici le fil conducteur de la conférence qu’il tint à ces messieurs de la S.A.T :

– Première ligne, en direction Nord-Sud, depuis la position dominante du camp de Grandmont (Pomerium acri*), (108 m), jusqu’à l’éperon de Givré, avec un vaste cimetière gallo romain sur la pente, et une voie romaine secondaire traversant la Vienne entre la Motte et le Moulin d’Argenson (Arx Jansonis).

– Deuxième ligne, en direction Ouest-Sud, de Givré à Sonnay, avec les points importants de Château-Gaillard et de l’Enfer. Ce dernier semble avoir été une sorte de haut-lieu formé d’une enceinte rectangulaire contenant peut-être un bois sacré. A quelques mètres en avant de la façade, au midi, fontaine rectangulaire, dite Fontaine du Jard.

Au bout de cette ligne Ouest-Est, seconde position stratégique (101 m.), le camp de la Pommeraye (Pomeriacum), promontoire qui prend la vallée en enfilade et surveille toutes les hauteurs des Puys (Podix). Au-dessous, la terrasse fortifiée des « Cloux de Faye » (Faya, forteresse. Comparer avec les « fiefs fayés » de la forêt de Chinon). Sur cette terrasse, la Fontaine de St-Martin (Fons Martis ?).

Au pied, la Motte de Sonnay, avec le Chemin des Maures, qui mène de la Motte au pont-levis de l’ancien manoir de Sonnay. Agrandi et dénivelé récemment, ce manoir était une grosse construction carrée, flanquée d’une tourelle à chaque angle, surplombant la vallée d’environ quatre mètres, et séparée du coteau par un large fossé. Entrée et pont-levis au Nord (NDLA : Cette vision de Sonnay est désormais contestée du fait des récentes découvertes historiques – Cf. chapitres suivants : « De l’an 1000 à 1445 » et « De 1445 à 1481« ).

– Troisième ligne, de Sonnay à la grande coupure du Vallon de Cravant, ligne courbe qui épousait les crêtes, le long des bois de la Chênaie.
Le système comportait, selon l’usage antique, plusieurs terrasses fortifiées, les murs ayant aussi un rôle de soutènement, pour arrêter le glissement des terres. D’une terrasse à l’autre des chemins de communication, bordés de gros blocs, comme la « rue Cordonnière » qui monte à l’Enfer (cordonnier ou cordouanier, ouvrier de Cordoue, paraît désigner les Maures). Au lieu des chemins, parfois des murs. L’un d’eux, celui des Rustauderies, est intact, 250 mètres de long, deux mètres de large. Parement de gros blocs sur les deux faces, remplissage de cailloux.

(*) Pomerium, enceinte sacrée, et non Pomarium, verger.