De l’an 1000 à 1445

Après que Foulques II dit le Bon, comte d’Anjou avant 937, ait cédé le Saumurois au comte de Blois Thibaud le Tricheur, les comtes d’Anjou fortifièrent leur frontière Sud-Est en élevant une motte castrale à Sauné dans la commune d’Ambillou-le-Château (aujourd’hui dans le Maine-et-Loire, à 6 km au Sud de Saumur sur la route de Montreuil-Bellay) pour compléter les fortifications de Gennes et de Saumoussay.
Ce lieu semble être à l’origine d’une famille « Sonay » qui aurait été anoblie pour défendre les limites du comté.

La fin du Xème siècle voit Geoffroy 1er d’Anjou, dit « Grisegonelle », continuer cette politique de fortification, tout en progressant vers le Poitou.

Le territoire angevin s’étend ainsi vers le Sud, au-delà du Saumurois, en prenant les villes de Loudun et de Mirebeau, après avoir vaincu le duc d’Aquitaine et comte de Poitiers « Guillaume IV Fier à Bras » à la bataille des Roches Saint Paul, commune de Dissay, selon ce qu’en rapportent « les chroniques angevines ».
Après un tel coup de force, il fallait à Geoffroy Grisegonelle installer des fidèles au commandement des différents points stratégiques devant participer à la défense de son comté nouvellement étendu.

Il semblerait que la famille de Sonay ait alors été installée dans la forêt de Scévolles, toute proche des Roches saint Paul, à l’issue de cette extension.

Une autre « motte de Saunay » fut ainsi édifiée sur la frontière du loudunais et du comté de Poitou par un chevalier de Sonay fatalement acquis à la cause angevine. Les châteaux de Mirebeau et de Moncontour sont alors érigés par Foulques Nerra, dit «Le Grand-Bâtisseur», confirmé vers l’an 1000 comme suzerain de Loudun et Mirebeau par « Guillaume V le Grand » de Poitiers.

Après Thibaud 1er de Blois dit « le Tricheur » qui offrit Chinon en dot à sa fille Emma lors de son mariage avec « Guillaume IV Fier à Bras », le château de Chinon fut remis à Foulques Nerra en 1038, avant d’appartenir à Geoffroy II Martel, Geoffroy III puis Foulques IV le Réchin.
L’histoire étant un éternel recommencement, il fallut trouver des hommes pour défendre les positions avancées du château de Chinon.

C’est à cette époque qu’une nouvelle « motte de Sonay » surveillant la vallée de la Vienne en amont de Chinon fut confiée à la même famille loudunaise.

Si la « motte de Saunay » du Poitou dépendait du château de Loudun, le fief de Sonnay de Cravant mouvait de la Roche-Clermault et dépendait de Chinon en Touraine.

Il convient de rappeler que Foulques V (1109-1129) fut non seulement le pére de Geoffroy V fondateur de la dynastie des Plantagenêts, mais aussi le protecteur d’Hugues de Payns, fondateur de l’Ordre des Templiers. Par la suite, il devint roi de Jérusalem. C’est à cette époque et à cette configuration politique très particulière que l’on peut faire remonter le lien entre les terres non contiguës de la forêt de Scévolles, paroisse de La Chaussée, à celles de Sonnay, paroisse de Cravant, au même titre que les terres de Rochefort, Oiron, Champigny le Sec et le Roignon, dont on retrouvera par la suite confirmation du lien direct dans bon nombre de textes.

Avant d’être situé à l’emplacement actuel, le château fortifié de Sonnay aurait été une motte carrée, de 30 mètres de côté, se situant à 200 mètres au Nord-Est, sur le site d’un ancien oppidum gaulois, au lieu dit « les cloux de Faye » ou « le clos de Faye », que le cadastre rattacha jusqu’au XIXème au nom de « Mothe de Sonnay » également dénommée « la basse-cour »… Or un « château à motte » se caractérise par deux éléments principaux : « la motte » ET « la basse-cour »…


Notons ici que le nom de « clos de Faye » n’est pas sans faire penser au « Faye » de « Faye la Vineuse », l’un des bourgs de Touraine les plus anciennement connus puisque mentionné dès 925, sur les terres duquel se trouve actuellement la « motte de Saunay » du Poitou. Situé sur une éminence et dominant de toutes parts le pays, Faye retint l’attention de Foulques Nerra qui avait entrepris de couvrir de châteaux les contrées placées sous sa dépendance afin de stopper les invasions du Poitou. Il en fut de même pour le Sonnay de Cravant… confirmant par là même une version étymologique faisant dériver ce nom de « Faya » = forteresse (à comparer avec les « fiefs fayés » de la forêt de Chinon).

Mais la fin de l’empire Plantagenêt sonne la fin des ralliés à leur cause… et avec la prise de Chinon sur le Plantagenêt Jean sans Terre par le roi de France Philippe Auguste en 1205, le XIIIème siècle s’ouvre sur la déchéance de certaines familles, au nombre desquelles figurent les Sonay …

La famille de Sonay vécut mal cette déchéance, et on ignore le sort qui fut réservé à la forteresse de Sonay.
Eux dont la famille avait côtoyé les grands de l’empire Plantagenêt, en étaient réduits soit à s’exiler comme certains en Angleterre, soit à subsister dans des conditions particulièrement difficiles que Matthieu Paris nous rapporte lorsqu’il écrit :
Les Poitevins malheureux …/… tombèrent dans un tel état d’abaissement aux yeux des Français qu’ils …/… devinrent comme des serfs de la plus basse condition. De plus, ce ne fut que moyennant une lourde et grosse rançon, qu’on laissa debout leur châteaux, qui devaient être ruinés au gré de leurs ennemis et encore en y plaçant de bonnes garnisons françaises.

Ainsi donc habité dès le XIème siècle par les Sonay d’origine pro-Angevins, le Sonnay de Cravant aurait vu naître un certain Wilhelm de Sonay en langue d’oil, dit Guillaume de Sonnac en langue d’oc (1200-1250), élevé dans le cadre de cette tradition familiale angevine soigneusement transmise sous l’influence directe de Foulques V devenu roi en Terre Sainte et  soutien de Hugues de Payns fondateur de l’Ordre du Temple.
C’est ainsi que le jeune Wilhelm s’engagea dans la milice du Temple pour avoir la chance de partir lui aussi à Jérusalem et d’échapper aux malheurs dont était accablée sa famille.
Devenu recteur de la commanderie d’Auzon de Châtellerault en 1224, il en sera précepteur en 1228 avant de devenir Maître du Poitou et d’Aquitaine de 1236 à 1246. Il effectue alors le « passage » en Terre Sainte en 1247 avant d’être élu 17ème Grand-Maître de l’Ordre du Temple, poste dans lequel on le voit côtoyer Henry III Plantagenêt, le doge de Venise Jacob Teupolum, le patriarche de Jérusalem,  Saint-Louis et ses frères, Robert d’Artois, Charles d’Anjou et Alphonse de Poitiers, Jean de Joinville, Henri Ier de Lusignan roi de Chypre, le sultan  Al-Malik Ayyûb etc.

Lors de la septième croisade (la première de Saint-Louis), il est aveuglé puis tué à la terrible bataille de Mansourah, le 11 février 1250, après avoir été éborgné trois jours plus tôt lors de la première bataille de Mansourah.

La présence d’une motte castrale en des temps antérieurs au Sonnay actuel dont les bases les plus anciennes sont du XVème, explique la mention datant de 1268 faisant état d’un ancien fief relevant de la Roche-Clermault « à foi et hommage lige et un roussin de service » signalé dans la base Mérimée de l’inventaire général du patrimoine culturel référence IA37000380 ainsi que dans le « Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre-et-Loire » réalisé par J. X. Carré de Busserolle en 1883. On y trouve Sonnay appartenant à un certain Pierre de Sonnai, chevalier, tandis que Carré d’Hozier cite un autre Pierre de Sonnay dans une autre mention en date du 25 août 1299. (B.N.-Carré d’Hozier n° 586).

Concernant le Sauné de l’actuelle commune d’Ambillou (connu dès 1040-1055 sous le nom de Salniacus (Liv. N., ch 260),  le seigneur connu en 1201 fut Thibaud de Saunay, manifestement parent de celui de Sonnay-Cravant dans la mesure où ces deux Sonay eurent un seigneur commun au XIV° siècle en la personne de Geoffroy de Saumoussay, attesté seigneur de Saunay-Ambillou en 1364 et de Sonnay-Cravant en 1372… et qu’une chapelle placée sous le vocable de sainte Catherine (d’Alexandrie) fut érigée dans les deux lieux au XV° siècle.

Cette succession de Sonnay sur la frontière des territoires Angevins évoluant au fil du temps serait à même de donner raison à la théorie de J-F. Lavrard selon laquelle « Sonnay » aurait pour étymologie le verbe « sonner » correspondant à la fonction attribuée dès le Xème siècle au guetteur chargé de « sonner » l’alerte en cas d’attaque des Vikings du haut de la tour de guet surmontant une motte castrale; missions bien spécifiques qui dès lors auraient été confiées à une famille du clan Angevin.

La famille des Sonay se serait ainsi éteinte dans l’indifférence générale avec la fin de cet empire, entraînant avec elle l’ancienne vigueur de leurs forteresses, sombrant alors dans la ruine.

On ne sait à ce jour qui fut le dernier (ou la dernière ?) des Sonay, mais toujours est-il que l’on retrouve trace de Sonnay dans le « Pouillé de la province de Tours ».
Un Pouillé est la liste des paroisses d’un diocèse. Le diocèse de Tours se divisait au XIIIème siècle en trois archidiaconats relatifs à la ville de Tours et celui concernant Sonnay relève de l’archi-presbytère de l’Ile-Bouchard (Insula Buchardi).

Sur le pouillé rédigé vers 1300 (ou vers 1275), il n’y a pas encore d’église à Sonnay.
La paroisse était alors celle de Cravant (ecclesia de Cravento) dépendant de Marmoutiers (majoris monasterii). Au XVème a été annexée une liste des chapelles également éditée dans le « Cartulaire de l’archevêque de Tours (Liber bonarum gentium) ».

À la page 47 des pouillés de Tours nous relevons :
« Cravant : Anno domini MCCCLXXII, die XII augusti, domina Ysabellis Mailliaco, domina de Narçaio et Sonnaio, uxor domini Gauffridi, domini de Saumonçiao, fundavit unam cappellam in ecclesia de Cravento, Turonensis diocesis, de tribus messis qualibet ebdomada, et eam dotavit de XX libris redditus cujus patronatus, ad ipsam et heredes suos, dominos de Sonnaio, et collatio ad nos spectat, et fuit collata ad presentationem suam P[etro] Caillaut, presbitero ».
Ce qui se traduit par : « Le 12 août 1372, dame Isabelle de Maillé, seigneur de Narçay et de Sonnay, épouse de Geoffroy, seigneur de Saumoussay, a fondé une chapelle en l’église de Cravant, diocèse de Tours, dotée d’une rente de 20 livres pour trois messes hebdomadaires demandées pour son propre salut et celui de ses héritiers les seigneurs de Sonnay. Elle fut conférée à sa demande à Pierre Caillaut, prêtre »

Geoffroy de Saumoussay et Isabelle de Maillé sont d’autant plus dans la mouvance angevine que cette dernière est fille de Payen 1er de Maillé et de Jeanne de Brézé, près de Montreuil-Bellay, et que les Brézé sont comtes de Maulévrier – paroisse angevine, aujourd’hui dans le Maine-et-Loire, où Foulques Nerra –le même– érigea une forteresse, après l’intégration des Mauges au comté d’Anjou, avant 1027. Or ces Maulévrier, qui prirent de façon très affichée le parti de Jean sans Terre, reviennent souvent dans l’histoire de Sonnay-Cravant.

Isabelle de Maillé avait de plus un illustre ancêtre Templier en la personne de Jacquelin de Maillé (Jakelinus de Mailliaco) né vers 1140, entré dans l’ordre du Temple en 1177 et mort glorieusement à Tibériade en 1187. (« Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre-et-Loire » de Jacques-Xavier Carré de Busserolle 1882 tome IV page 142).

Sonnay avait-il ainsi été vendu aux Maillé ou tout simplement transmis par une héritière épousant un Maillé ? Nous n’avons pas encore le lien… mais toujours est-il que « la seigneurie de Sonnay » semble rester ensuite propriété des Maillé puisqu’on le retrouve en 1380 entre les mains de Jean de Maillé, puis en 1424 entre celles de Pierre de Maillé, et qu’on l’y retrouvera ensuite à d’autres reprises.
Or le Jean de Maillé ci-dessus, 2° fils de Hardouin VIII baron de Maillé, fut l’auteur de la branche des seigneurs de La Roche-Bourdeuil et de Cravant, éteints vers 1500, en la personne de Charles de Maillé, maître d’hôtel de la reine Marie d’Anjou, épouse de Charles VII… (Sonnay sera par la suite concerné par une autre branche de Hardouin VIII et par un autre maître d’hôtel de Marie d’Anjou !)…

On ne sait trop si les « héritiers-seigneurs de Sonnay » usèrent de leur « droit de culte » mais il n’y a en la vieille église de Cravant (aujourd’hui dénommée « Sanctuaire carolingien ») qu’une seule chapelle, au Sud, formant un transept inachevé… Tout le monde est unanime pour dater cette chapelle du XVème… Or, au cours de la recherche en peintures murales effectuée sur tous les murs en 2011, il a été constaté que la chapelle dite XVème était obligatoirement reconstruite sur des bases plus anciennes, dans la mesure où des traces de peintures antérieures aux XVème y subsistent sur le mur oriental dressé derrière l’autel dédié à Notre-Dame…

On y distingue des drapés … qui sont à n’en pas douter les restes de la chapelle fondée par « dame Isabelle de Maillé ».

Qui fait alors reconstruire cette chapelle au XVème?… Réponse à suivre ci-après…

Toujours est-il que l’on retrouve « la seigneurie de Sonnay » en 1440 entre les mains de Geoffroy Taveau, baron de Mortemer, originaire encore et toujours du Poitou…
Geoffroy Taveau était l’oncle par alliance de Jeanne de Maillé qu’il avait recueillie sous son toit alors qu’elle fuyait le domicile conjugal pour fuir la lèpre dont était atteint son mari qui voulait néanmoins la contraindre au devoir conjugal !…
Il a été retrouvé à Clermont Ferrand un incunable réparé avec un fragment de manuscrit provenant d’un procès à Poitiers, disant : « Messire geoffroy Taueau, chevalier, demandeur à l’encontre de messire Guy Frotier, chevalier, et de sa femme Jeanne de Mailhe (le lépreux et son épouse) et faisant état de biens situés à « Sonnay », la Chaussée et le Roignon ».
Malgré les nombreuses fautes de transcription, il ne peut s’agir que du même Geoffroy Taveau ci-dessus. On voit déjà associé à Sonnay les terres du Loudunais que l’on retrouvera par la suite dans les domaines des propriétaires à suivre.

Un an plus tard, en 1441, Geoffroy Taveau vend Sonnay à un dénommé Guillaume de Ballan, seigneur de Maulévrier (encore les Maulévrier), maître d’hôtel de la reine Marie d’Anjou !…

Les filiations entre les seigneurs successifs sont donc parfaitement perceptibles et à travers elles les changements de mains du fief de Sonnay qui, en fait, reste dans les mêmes : des mains pro-Plantagenêt attachées aux traditions poitevine et angevine.
La transmission semble cependant s’arrêter avec cette vente à Guillaume de Ballan dont la forme paraît mal dissimuler une acquisition immobilière en sous-main… car l’histoire de Sonnay change alors de cour pour rejoindre les intrigues du royaume de France désormais implanté à Chinon…